
de George Daniel
de Monfreid
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Samedi, par un bel après-midi d’automne, je suis allé voir le film « Gauguin, voyage à Tahiti » d’Edouard Deluc avec Vincent Cassel en Gauguin et Tuheï Adams en Tehura. Je pensai y retrouver quelques éléments des lettres du Sauvage à mon arrière-grand-père George Daniel de Monfreid ou de Noa Noa, le récit qu’il a fait de ce séjour. Il y avait de cela dans ce « biopic » mais aussi un manque de chaleur pour l’artiste qui a peint de telles merveilles de la vie tahitienne et un certain flou dans le récit. Je m’explique.
Les acteurs?
Vincent Cassel dans le rôle de l’artiste bourru est crédible. Tuheï Adams fait une belle Tehura ou tout au moins, un beau modèle. On la voit poser pour certaines très belles toiles comme Nafea Faaipoipe (Quand te maries-tu ?), Manao Tupapao (L’esprit des morts veille), Otahi (Seule) ou Merahi metua no Tehamana (Tehamana et Tehura sont la même personne et a de nombreux parents). Le décor de végétation tropicale est beau bien que manquant des couleurs tropicales du peintre. La photo n’est pas l’œil des impressionnistes ou synthétistes.
La question n’est pas là. Elle est inhérente aux récits que le peintre a fait de sa vie tahitienne à son épouse Mette et à George Daniel dans ses lettres et au récit de sa vie qu’il a écrit dans Noa Noa. A son épouse, il racontait l’accueil chaleureux des autorités, l’enterrement du roi Pomaré ou ses ennuis de santé. À George Daniel, ses ennuis d’argent mais aussi ses réalisations artistiques. Dans Noa Noa il fait la peinture d’un univers tropical idyllique, ses amours avec Tehura et les légendes du panthéon tahitien que la belle maori lui aurait raconté. Chacun son public : la préservation de la famille pour Mette, la chasse à la vente et à la récupération des dettes pour George Daniel et le monde merveilleux d’une civilisation perdue pour les futurs acheteurs de ses toiles à son retour en France.
Hélas, tout cela ne fait pas une histoire. Edouard Deluc a choisi l’option de faire de Gauguin un artiste maudit, malade, sans le sous, survivant dans un monde colonial qui n’est pas le sien : « Tristes Tropiques » en quelque sorte ! Il en fait un amoureux, ayant du mal à assouvir les besoins d’élégance de la jeune femme et l’enfermant dans une maison coloniale pour qu’elle ne s’échappe pas. Gauguin serait arrivé pauvre à Tahiti et reparti pauvre, méprisé par la communauté coloniale et incompris des naturels avec qui il vivait. Entre temps, il aurait dessiné, peint des toiles et gravé des bois.
C’est un peu court.
L’explication artistique de la représentation de ce monde vivant et coloré reste absente. Où est donc l’innovation et le rêve dans tout cela ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Gauguin fut le premier à peindre et faire aimer des « sauvages » dans leur milieu. Il a accrédité, par l’image, le mythe de la Nouvelle Cythère que chantaient les navigateurs, Bougainville, Cook et autres révoltés de la Bounty. Un beau sujet de film !
Marc Latham, 26 septembre 2017
Vous avez des oeuvres ou des précisions sur une des réalisations de George Daniel de Monfreid ?
Fils illégitime d’une chanteuse et d’un prince, George Daniel de Monfreid est né en 1856. Il suivit une éducation austère pour devenir ingénieur, mais à vingt ans, rompit avec sa culture bourgeoise et se lança dans la peinture.
Côtoyant les post-impressionnistes a Paris, élève de Degas, ami d’Aristide Maillol, il exposa avec Paul Gauguin au Café Volpini, en face de l’entrée de l’Exposition Universelle de 1889. Pendant trois mois, critiques et amateurs se pressèrent devant ses toiles. Quand Gauguin fuit la société bourgeoise de la France de la fin du 19ème siècle pour Tahiti, Monfreid se retrouva son correspondant et confident, lui servant d’intermédiaire avec les mécènes et marchands d’art parisiens.
Passant l’hiver a Paris, Monfreid profitait de la belle saison dans les Pyrénées Orientales, son pays d’adoption, passionné de cyclisme, de randonnée et de montagne, et trouvant dans la nature inspiration et évasion d’un triste quotidien. C’est dans ce midi catalan qu’il devint l’âme du cercle des artistes roussillonnais tels que Déodat de Séverac, Louis Bausil, Odilon Redon ou Etienne Terrus.
Peintre, graveur, artiste en vitraux, aquarelliste, sculpteur, muraliste, céramiste, George Daniel de Monfreid devint notable, membre du comité du Salon d’Automne mais il aspirait toujours à la nouveauté.
Pour l’atteindre, il vogua sur la mer rouge pour rejoindre son fils, l’aventurier écrivain Henry de Monfreid, sa belle-fille Armgart et ses petits enfants sur les hauts plateaux d’Ethiopie pour réaliser de superbes toiles africaines. Rentré en France, il poursuivit la ronde de son art et de ses souvenirs et décéda par une belle journée de novembre 1929 dans sa propriété de Saint-Clément au pied du Canigou. Il avait 74 ans.
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